Travailleur du sexe (TDS)
Notre propos concerne les milliers d’hommes, de femmes et de transgenres qui sous diverses appellations proposent des services à caractère sexuel ou érotique rémunérés chaque année en Belgique.
Nous choisissons le terme « TRAVAILLEUR DU SEXE » (TDS) pour les désigner parce qu’il renvoie à plus de réalités différentes que les appellations « personnes prostituées », « escortes », « assistants sexuels », « acteurs porno », etc…
Ces personnes travaillent occasionnellement ou habituellement, dans des rues, cafés, bars,… ou pour un(e) patron(ne), dans des conditions de sécurité, de légalité et d’exploitation qui varient fortement d’une situation à l’autre.
Un regard souvent stigmatisant et reducteur sur les TDS et leurs clients
Nous constatons qu’une part importante des travailleurs sexuels prend la décision de travailler dans le commerce du sexe de son plein gré.
Nous constatons l’amalgame qui est pourtant souvent fait entre le travail sexuel et la traite des êtres humains voire la pédophilie, amenant à considérer que tous les travailleurs sexuels sont victimes de proxénètes et de pervers.
Nous constatons par ailleurs sur le terrain la complexité et la variété des motivations des travailleurs du sexe où interviennent tant des considérations économiques et sociales incontournables (non accès à un travail déclaré ou à une aide sociale, endettement, etc...) que des enjeux psychologiques dont nous n’avons pas à juger la pertinence.
Parallèlement, nous constatons la diversité des motivations et des comportements des clients. Les TDS témoignent du fait que la violence et le mépris par les clients ne sont ni l’apanage du métier ni la norme. Nous dénonçons une certaine vision stigmatisante qui placerait le client en position de proxénète ou d’exploiteur.
Dès l’instant où un client se comporte avec respect et use d’un discernement raisonnable (en évitant notamment la prostitution de mineurs ou de victimes manifestes), nous estimons que le droit constitutionnel de deux personnes majeures et consentantes à disposer de leur corps comme elles l’entendent, y compris dans un contexte de rémunération, prime sur toute autre considération morale ou sécuritaire. A ces conditions, le client ne doit faire l’objet d’aucune mesure d’exception (ni chage, ni poursuite, etc...).
Non respect, insécurité et traite des êtres humains
Nous constatons le manque de sécurité et le manque de respect dont sont victimes certains TDS et clients sur les lieux de travail et aux alentours. Le fait de laisser se délabrer les quartiers où s’exerce le travail du sexe et/ou de chasser les TDS après rénovation renforce le regard négatif des citoyens sur les TDS.
Nous constatons que beaucoup de TDS sont victimes de la traite des êtres humains, notamment dans le cadre d’un parcours migratoire. Il existe un statut de victime, assorti de droits spéci ques pour les TDS migrants à la condition qu’ils dénoncent leur réseau d’exploitation. Or nous savons que certaines victimes mettent leur vie ou celles de leur entourage en danger si elles dénoncent leur réseau. Par conséquent, nous demandons que des droits similaires soient ouverts à tous les TDS victimes de la traite des êtres humains à des ns d’exploitation sexuelle, qu’ils dénoncent leur réseau ou non, qu’ils soient migrants ou non.
Hypocrisie, inadaptation, ambiguïté et incohérence du système juridique actuel
Alors que le travail du sexe est légal, nous constatons que le système juridique actuel pénalise toute organisation de celui-ci.
- Ce système nie l’existence pourtant bien réelle d’employeurs non problématiques.
- Ce système pénalise la publicité, le racolage et l’organisation collective du travail du sexe.
- Ce système ne reconnaît pas un statut social et scal adapté(3) et ne garantit ni des conditions de travail décentes, équitables et justes, ni une médecine du travail adaptée. Il ne permet pas l’inscription auprès d’un syndicat.
- Il n’y a pas non plus de règlement de travail ni de convention collective qui donnent du pouvoir aux travailleurs du sexe par rapport à leurs employeurs.
Dans certaines communes, la pénalisation du client met en danger les TDS en les obligeant à se cacher de la police.
Exploitation sur les lieux de travail et insalubrité des lieux de travail
Nous constatons le proxénétisme immobilier dont sont victimes certains travailleurs sexuels et l’inef cacité du système actuel pour lutter contre l’exploitation. L’insalubrité de certains lieux de travail et leur inadaptation aux activités qui s’y déroulent notamment lorsque l’existence de pratiques sexuelles n’est pas reconnue.
Non prise en compte des risques de santé spécifique
Dans les bars, les serveuses n’ont pas accès à une médecine préventive adaptée.
Travail du sexe et handicap
La législation actuelle ne permet pas à une personne handicapée ayant besoin d’un tiers pour communiquer ou se déplacer de recourir à un travailleur du sexe.
Propositions et revendications
Nos propositions s’inscrivent dans la perspective d’une réglementation du travail du sexe en opposition au système abolitionniste actuel et au système prohibitionniste qui cultivent l’utopie d’un projet de société sans constitution implicant une réinsertion forcée des TDS.
Or cette société « idéal » ne prend en compte ni les personnes prostituées travaillant de manière libre et indépendante, ni leurs clients en recherche non seulement de sexe mais aussi de contacts humains, de tendresse, d’écoute, etc…
Non, nous ne voulons ni d’un système de tolérance passive qui favorise l’exploitation et l’insécurité ni d’un système répressif qui moralise et clandestinise. Le travail sexuel n’est pas un délit. Recourir à la prostitution ne l’est pas non plus pourvu que le ou la partenaire soit majeur(e), consentant(e).
Nous demandons que les travailleurs du sexe soient concertés au cours des débats qui les concernent et les encourageons à se mobiliser pour améliorer leurs droits sociaux.
Changements des mentalités
Nous voulons promouvoir la déstigmatisation des TDS et des clients à travers la mise en place de programmes éducatifs accessibles aux jeunes et aux adultes pour casser les préjugés et combattre les attitudes irrespectueuses.
Changements législatifs
Nous revendiquons que le travail du sexe, quelle que soit la forme qu’il prend, en tant que salarié, indépendant ou membre d’une coopérative, ouvre des droits et implique des devoirs au même titre que les autres activités professionnelles. Que l’embauche soit dépénalisée si elle respecte les conditions prévues par la législation du travail. Que l’employeur de travailleurs sexuels soit soumis à une législation spéci que dans le cadre du droit du travail et non plus du droit pénal.
- Que la co-exploitation d’un même lieu de travail par plusieurs travailleurs du sexe soit dépénalisée et réglementée.
- Que la publicité relative à l’offre de services sexuels soit dépénalisée et réglementée et que le racolage soit dépénalisé.
- Que le client ne soit pas pénalisé
- Qu’un règlement d’ordre intérieur soit présent sur les lieux de prostitution, rédigé en concertation avec les TDS qui garantisse la liberté de refuser le client.
Politiques locales
- Que des lieux où le travail du sexe peut s’exercer soient acceptés dans les villes, y compris pour le travail du sexe en rue.
- Que la possibilité de l’exploitation d’un lieu de commerce du sexe, type Eros Center, par les pouvoirs publics puisse être débattue si nécessaire, en concertation avec les TDS. Nous pensons que les pouvoirs publics doivent veiller à ce que ces établissements respectent les normes (salubrité, sécurité,...).
- Que des mesures soient prises pour garantir la sécurité dans les quartiers où s’exerce le travail du sexe.
- Que des mesures soient prises pour garantir la sécurité dans les quartiers où s’exerce le travail du sexe.
- Que les lieux soient adaptés aux activités qui s’y déroulent.
- Nous recommandons un plan intégré d’encadrement de la prostitution dans chaque commune ou ville concernée et des politiques locales ré échies en concertation avec les TDS, les associations de terrain et les services TEH au sein de la police.
- Qu’il n’y ait plus de taxes discriminatoires sur la prostitution.
Promotion de la santé
- Que les TDS aient un accès effectif à une aide sociale et psychologique appropriée.
- À l’information en matière de santé et de droits.
- À un service de santé préventive, anonyme, gratuit, adapté à leurs besoins, dans le respect du secret médical et sur base volontaire.
- Que les consultations médicales ne servent en aucun cas d’outil de contrôle sanitaire et sécuritaire.
Travail du sexe et handicap
La dépénalisation de toute forme d’aide envers une personne ayant un handicap pour lui faciliter l’accès à un travailleur du sexe (mise en contact téléphonique, aide au transport,...) si cette aide est sans profit.